Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 août 2009 7 23 /08 /août /2009 17:35

Le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme sont les trois grandes religions de l’Extrême Orient. Mais à la différence du bouddhisme, les deux premières n’ont pas pris une ampleur mondiale, leur rayonnement restant principalement limité aux peuples de culture chinoise, même si elles commencent tout juste à obtenir un certain succès chez d’autres peuples. Pourtant, elles se sont manifestées sous diverses manières, si bien qu’elles ont profondément muté. Cependant, quelle est l’origine du taoïsme et du confucianisme ? Ont-elles toujours été des religions où étaient-elles autrefois des philosophies ?


Histoire et développement

« Que les fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent ! » Prononcé par Mao Zedong (Mao Tsé-toung) lors d’un discours en 1956, le tyran paraphrasait en réalité l’expression qu’employaient les intellectuels chinois pour décrire la période que connu la Chine entre le Vème et le IIIème avant Jésus-Christ, c’est-à-dire à l’époque des « Royaumes combattants ». Cette période correspond à la fin de la longue dynastie Zhou (Tcheou) s’étalant entre –1122 et –256. La Chine était composée de plusieurs Etats féodaux qui se combattaient incessamment. Les troubles compromettaient l’autorité de la classe dirigeante traditionnelle. Par ailleurs, le peuple souffrait de ces conflits et étaient de plus en plus enclin à se soumettre. Dans ce contexte émergea diverses idées et aspirations longtemps réfrénées qui s’épanouirent telles « cents fleurs ». Différentes écoles de pensée apparurent, réfléchissant sur la meilleure manière de gouverner, l’impact des différentes lois, l’ordre social à mettre en place, le code moral à établir, ou encore sur la littérature et l’agriculture. Ces centres intellectuels furent appelés les « cent écoles ». La majorité d’entre elles n’eurent qu’un impact mineur. Cependant, les deux vont acquérir un grand prestige. Nous les connaissons sous les appellations de taoïsme et de confucianisme.

Malgré tout, on ne peut pas comprendre le taoïsme et le confucianisme sans connaître le concept fondamental, le Dao (Tao). Le Dao désigne « une voie, une route, un chemin ». Par la suite, il est davantage devenu « une méthode, un principe ou une doctrine ». Les Chinois estimaient que l’harmonie et l’ordre universelle dépendaient des manifestations du Dao. C’est une sorte de volonté divine régulant l’univers et le temps. Ceux qui adhèrent à ce concept ne croient pas en un univers régi par un Dieu créateur, mais ils lient toutes choses à une providence. Si nous transposons le Dao à la société, les adhérents pensaient qu’il y a une façon naturelle et correcte de faire chaque chose, et que tout ce qui existe doit occuper la place qui lui échoit afin de remplir sa fonction propre. Par exemple, si le souverain s’acquittait de ses devoirs en gouvernant avec sagesse et justice, l’Etat connaîtrait la prospérité. En parallèle, si le peuple se montrait disposé à chercher la voie, ou plutôt le Dao, l’efficacité s’installerait partout et l’harmonie perdurera. En revanche, s’il contrariait le Dao, il en résulterait le chaos et le désastre.

Cette volonté de conserver l’harmonie avec le Dao est la base de la pensée taoïste et confucianiste, qui viennent donc du même concept. Pourtant, les deux se différencient. Le taoïsme préconise la passivité, le calme, et le retour à la nature. Il faut laisser les choses se dérouler et s’abandonner au mouvement naturel. Le confucianisme privilégie le pragmatisme et enseigne que l’ordre social ne règne que lorsque tous les hommes s’acquittent de ses devoirs, du souverain jusqu’au paysan. Il codifie l’ensemble des rapports humains et sociaux et propose un schéma de conduite. Le taoïsme et le confucianisme sont davantage des manières de vivre, et ne ressemblent pas à des religions. Alors comment ont évolué ces deux systèmes ?

 

Le taoïsme

Le fondateur légendaire de cette doctrine est un certain Laozi (Lao-tseu). Nous savons peu de choses sur son sujet, à part qu’il aurait vécu au VIème avant Jésus Christ. Laozi signifie « ancien maître » ou « le vieux ». La seule biographie officielle de cet homme est contenue dans le Shiji (Cheki, en français Mémoires historiques) écrit par Sima Qian (Sseuma Ts’sien), historien du IInd au Ier siècle avant Jésus-Christ. D’après cet ouvrage, Laozi s’appelait en réalité Li Er, et avait exercé les fonctions de commis aux archives impériales de Luoyang, dans le centre de la Chine. Par suite, il aurait abandonné sa tâche, et Sima Qian en explique la raison : « Pour avoir longtemps servi à la cour des Tcheou et en avoir constaté la décadence, il aurait abandonné sa charge, serait arrivé à la passe de l’Ouest. Yin Xi, le gardien de poste, lui aurait alors demandé : « Puisque vous allez vivre en ermite, veuillez écrire un livre pour mon édification. » C’est ainsi que Laozi écrit un ouvrage en deux parties : l’une sur la voie (Dao), l’autre sur la vertu (De). L’ouvrage compte plus de cinq mille caractères. Sitôt achevée sa tâche, Laozi s’en alla. Nul ne put rien savoir sur sa fin. » Quelques spécialistes doutent de l’authenticité de ce récit. Quoi qu’il en soit, le livre évoqué dans ce récit reçu le nom de Daode Jing (Tao Te King, en français Livre de la Voie et de la Vertu), et demeura le pilier du taoïsme. Il est rédigé en vers concis et sibyllins, dont certains ne se composent que de trois ou quatre mots.

Dans ce Daode Jing, Laozi discourt sur le Dao, voie suprême de la nature, qui transpose à toutes les sphères de l’activité humaine. Une traduction a été effectuée par l’historien Ma Kou en 1984. Au sujet du Dao, nous lisons :

« Quelques chose de confus et mélangé était là

Avant la naissance du ciel et de la terre […]

Capable d’être la genèse de l’univers

Son nom reste inconnu

On l’appelle Tao. » (chapitre 25)

« La voie leur donne vie

La vertu élève

La matière donne une forme

L’environnement les conduit à la maturité.

Ainsi la multiplicité des êtres

Révère la voie et honore la vertu. » (chapitre 51)

Dans l’esprit des taoïstes, le Dao est le créateur de l’univers matériel. Les pratiquants doivent rechercher la Voie, mais comment ? Le Daode Jing décrit la conduite idéale :

« Plutôt que tenir et remplir jusqu’à ras bord

Mieux vaut savoir s’arrêter à temps.

Marteler et aiguiser sans cesse

Ne préserve pas la lame.

Tout l’or et le jade qui remplissent une salle

Ne peuvent être gardés par personnes.

Qui tire fierté de sa richesse et puissance

S’attire le malheur.

L’ouvrage accompli

Se retirer

Tel est le sens de la voie. » (chapitre 9)

Pour trouver le Dao, il faut donc se retirer du monde pour aller vivre en harmonie avec la nature. Le taoïsme est davantage une conduite de vie à adopter, et non une religion. Devant les injustices, les souffrances et les incohérences causées par la société féodale de l’époque, les taoïstes pensaient retrouver la paix et l’harmonie en revenant aux traditions d’autrefois, c’est-à-dire sans souverain et sans véritables lois pour dominer le peuple.

Cependant, ce concept va être approfondi par un successeur de Laozi, Zhuangzi (Tchouang-tseu) ou Maître Zhuang (-369 à –286). Celui-ci est beaucoup mieux connu puisqu’on sait déjà quand il a vécu. Cependant, il ne se contenta pas d’approfondir le concept du Dao puisqu’il va élargir la notion du yin/yang, tout d’abord exposé dans son Yi Jing. Selon Zhuangzi, rien n’est vraiment absolu ou permanent, toutes les choses sont alternatives et soumises au jeu de forces opposées. Dans le chapitre intitulé « La crue de l’autonome », il indiqua : « Le Tao n’a ni fin ni commencement. Ce sont tous les êtres qui meurent et qui naissent. […] La vie des êtres est pareille au galop du cheval. En chacun de ses mouvements, il se modifie, en chacun de ses instants il se déplace. Vous me demandez ce que vous devez faire, ce que vous ne devez pas faire ? Eh bien laissez-vous aller à vos transformations naturelles. »

Le récit est clair, le maître taoïste juge inopportun toute tentative à changer le cours des choses. Au bout d’un moment, tout ce qui existe se transformera en son contraire. Fidèle aux idées de son prédécesseur Laozi, il prône l’inaction. Cependant, le taoïsme ne resta pas une philosophie du non-agir.

 

Alors qu’ils s’appliquent à ne faire qu’un avec la nature, les taoïstes étaient fascinés par sa pérennité et par son pouvoir de régénération. Celui qui réalise l’harmonie avec le Dao serait en mesure d’en percer les secrets et de s’immuniser contre les maux de corps, les maladies, voire contre la mort. Bien que Laozi n’a pas vraiment abordé la question, elle apparaît à plusieurs reprises dans le Daode jing. Par exemple, dans le chapitre 16 : « L’éternel coïncide avec le tao. Qui fait un avec la voie du tao, rien ne peut l’atteindre, même la mort. » Alors qu’on évoquait précédemment une philosophie de vie, le taoïsme prend clairement une orientation religieuse. Les pratiquants se mirent à croire à diverses superstitions. L’une d’entre elles était que des procédés diététiques et des exercices respiratoires retardaient le dépérissement du corps. Puis des légendes apparurent. L’une d’entre elle mentionne des immortels capables de chevaucher des nuages, d’apparaître et de disparaître à volonté, ou vivant un nombre incalculable d’années sur des montagnes sacrées ou des îles lointaines tout en se nourrissant de rosée ou de fruits merveilleux. Par ailleurs, l’histoire de la Chine rapporte qu’en –219, Shi Huangdhi, l’empereur Qin, envoya une immense flotte de navires avec 3000 garçons et filles à la recherche d’une île légendaire nommée Peng Lai (le paradis des immortels), pour rapporter la plante d’immortalité. On devine facilement qu’ils ne trouveront pas cette fameuse île. Selon la tradition, ces explorateurs peupleront les îles formant l’archipel du Japon.

Les pratiques associées au taoïsme prit un nouvel essor durant la dynastie Han (–206 à 220). L’empereur Wudi, adepte du confucianisme, s’intéressait à l’immortalité physique que recherchaient les taoïstes. Il se passionna pour la fabrication de « pilules d’immortalité » par l’intermédiaire de l’alchimie. Dans la pensée taoïste, la vie résulte de la combinaison du yin/yang. En faisant fondre du plomb sombre (symbolisant le yin) et du mercure brillant (représentant le yang), les alchimistes simulaient un processus naturel par lequel ils pensaient obtenir une pilule rendant immortel. Les adeptes élaborèrent également des exercices proches du yoga, des techniques respiratoires, des règnes diététiques et des pratiques sexuelles fréquentes afin de renforcer le principe vital et prolonger l’existence. A tout ça s’ajoutait souvent l’usage des talismans qui, supposait-on, rendaient invisible et invulnérable aux armes, et permettaient de marcher sur l’eau et de se déplacer dans les airs. Par ailleurs, pour repousser les mauvais esprits et les animaux sauvages, des sceaux « magiques » portant le symbole yin/yang étaient fixés au-dessus des portes et des bâtiments.

Au IIème siècle après Jésus Christ, le taoïsme se structura. Un certain Zhang Daoling (Tchang Tao-ling) fonda une société secrète dans l’Ouest de la Chine. Il aurait opéré des guérisons miraculeuses et s’adonnait à l’alchimie. Les membres de cette société devaient verser cinq boisseaux de riz en guise d’offrande.  De là vient le nom de Wudoumi Dao (taoïsme des cinq boisseaux de riz). De plus, Zhang affirmait d’avoir reçu une révélation de Laozi, devint le premier « Maître céleste ». On dit qu’il réussit à préparer l’élixir de longue vie. Puis, après s’être rendu sur le Longhushan (la montagne du dragon et du tigre) dans la province du Jiangxi, il s’éleva jusqu’au ciel monté sur un tigre. De plus, Zhang Daoling fut à l’origine d’une longue lignée de « Maîtres célestes » taoïstes qui passent pour ses réincarnations. Par la suite, le taoïsme obtint le statut de religion. On déifia Laozi et on établit le canon des textes taoïstes. Des temples, des monastères et des couvents furent construits, et divers ordres de moines furent fondés. Cette religion incorpora différents dieux et déesses, ainsi que des fées issues du folklore chinois. On peut citer les Huit Immortels (baxian), les dieux protecteurs des villes (chenghuang), le Seigneur du foyer (Zaojuin), ou encore les divinités gardiennes des portes (menshen). Par ailleurs, un amalgame se forma à partir d’éléments empruntés au bouddhisme, aux superstitions traditionnelles, au spiritisme et au culte des ancêtres. A long terme, les taoïstes se contentaient d’adorer leurs divinités de prédilection. On louait des services de prêtres pour procéder aux funérailles, choisir l’emplacement d’une tombe, communiquer avec les défunts, écarter les mauvais esprits et les revenants, célébrer des fêtes, accomplir des rites, … . L’école philosophique des premiers jours avait donc engendré une religion où s’entremêlaient des esprits immortels, dieux et demi-dieux. On est donc bien loin des principes de Laozi.
 

Le confucianisme


Parmi les « cent écoles » qui apparurent en Chine, le confucianisme est sans aucun doute l’une des plus influentes. Comment parvint-elle au premier plan ? De tous les philosophes, Confucius est le plus connu en dehors de la Chine. Confucius est la latinisation du chinois Kongfuzi (K’ong-fou-tseu), qui signifie « Maitre K’ong ». Son nom fut forgé par des jésuites venus en Chine au XVIème siècle, lorsqu’ils recommandèrent au pape d’ajouter Confucius à la liste des saints de l’Eglise catholique ! Pour en savoir plus sur lui, il faut se reporter au Shiji (Mémoires historiques) de Sima Qian. S’il s’est peu étendu sur la vie de Laozi, cet auteur a donné une biographie détaillée de Confucius. Sur ce personnage, voici quelques extraits du Shiji traduit par l’écrivain chinois Lin Yutang : « Confucius naquit dans le village de Tséou qui faisait partie du comté de Tch’ang ping, dans l’Etat de Lou [Lu]. [Sa mère] adressa des prières à la colline de Ni-tsiou pour avoir un enfant et elle fut exaucée car elle eut un fils, la 22e année du règne de Shiang, duc de Lou (551 avant Jésus-Christ). Comme il était venu au monde avec une grosse bosse sur la tête, on l’appela Tsiou (colline). Son nom littéraire était Tchongni et son nom de famille K’ong. »

Confucius perdit son père peu après sa naissance. Même s’il est issu de famille pauvre, sa mère fit en sorte qu’il reçoive une solide instruction. Enfant, il manifesta un vif intérêt pour l’histoire, la poésie et la musique. D’après les Entretiens, l’un des Quatre Livres du confucianisme, il entreprit l’étude des belles lettres à l’âge de 15 ans. A 17 ans, on lui confia un modeste travail de fonctionnaire au pays de Lu, sa terre natale. Sa situation financière s’améliora progressivement, ce qui lui permit de se marier à l’âge de 19 ans. Il obtint un fils l’année suivante. Par la suite, sa mère décéda alors qu’il avait 25 ans. Très affecté, Confucius se retira de la vie publique. Il aurait gardé le deuil durant 27 mois auprès de sa tombe, offrant au Chinois une démonstration de la piété filiale classique.

Ensuite, Confucius quitta sa famille peut devenir enseignant itinérant. Il enseigna la musique, la poésie, l’instruction civique, la morale ou encore les sciences de l’époque. Progressivement, sa réputation augmenta, et il aurait regroupé jusqu’à 3000 élèves. En Orient, on vénère surtout Confucius pour sa qualité de maître enseignant. Sur sa tombe à Qufu, dans la province de Shandong, son épitaphe mentionne seulement « Ancien et très ancien enseignant ». Mais si le maître était honoré, c’est notamment pour son érudition dans les domaines de l’histoire et de la morale. Lin Yutang écrit à son sujet : « L’attrait qu’exerçait Confucius était sans doute beaucoup moins dû au fait qu’il était l’homme le plus sage de son temps, que parce qu’il en était le plus grand érudit, le seul capable de disserter sur les anciens livres de la sagesse antique. » Lin Yutang justifie le triomphe du confucianisme sur les autres écoles de pensées : « Les maîtres confucianistes avaient quelque chose de précis à enseigner et les élèves quelque de précis à apprendre, tandis que les autres écoles n’avaient rien d’autre à présenter que leurs opinions. »

Bien qu’il fut enseignant, Confucius ne considérait pas l’enseignement comme le principal but de sa vie. En effet, il pensait que des principes moraux étaient capables de stabiliser un monde troublé dans lequel il vivait, à condition que les dirigeants consentent à les mettre en avant en lui confiant, ainsi qu’à ses élèves, des fonctions gouvernementales. Par la suite, il quitta Lu, sa province natale, accompagné de ses quelques disciples, traversant plusieurs Etats en quête du meilleur prince qui adopterait ses positions sur l’art de bien gouverner et sur l’ordre social. D’après le Shinji, son périple fut difficile : « Puis il quitta [la province] Lou ; il fut chassé de T’si ; il fut rejeté de Song et de Wei ; il se trouva en péril entre les pays de Tch’en et de Ts’ai. » Après 14 années d’errance sur les routes, il revint à Lu déçu, mais il appris beaucoup. Jusqu’à la fin de ses jours, il se consacra à écrire et à enseigner. Il s’éteignit en 479 avant Jésus Christ, à l’âge de 73 ans. Mais quels sont les principes du confucianisme ?

 

S’il fut un érudit et un enseignant, Confucius ne restreignit pas son influence aux cercles de lettrés. Outre l’enseignement des règles régissant la conduite et la morale, il avait pour ambition de restaurer l’ordre et la paix au sein d’une société déchirée par les conflits entre provinces. Cet objectif ne pouvait être atteint que si tous les humains, de l’empereur aux gens du peuple, s’enquéraient du rôle qui leur revenait dans la société. Ses idées furent récapitulées par plusieurs confucianistes à travers quatre grands livres :

- La Grande Etude (Da xue) qui est l’ouvrage de base entrant dans la formation de l’homme de qualité. Il évoque notamment quelques principes moraux et fut autrefois un livre étudié par les écoliers chinois

- L’invariable milieu (Zhong yong) qui traite du développement de la nature humaine par la pratique de la modération

- Les Entretiens (Lun yu) qui est un recueil de sentences prononcées par Confucius, et demeure la source de base de la pensée confucéenne

- Le Mencius (Mengzi) qui regroupent des textes de Mengzi, l’un des principaux disciples de Confucius.

En parallèle, cinq classiques anciens viennent s’ajouter à ces quatre ouvrages, qui sont d'ailleurs antérieurs à Confucius mais ce dernier s'en est référé pour développer sa façon de penser :

- Le Canon des poèmes (Shi jing) qui est un recueil de 305 poésies dépeignant la vie quotidienne aux débuts de la dynastie Zhou (–1000 à –600)

- Le Canon des documents (Shu jing) qui est un ouvrage couvrant 17 siècles de l’histoire de Chine à partir de la dynastie Shang (–1766 à –1122)

- Le Canon des mutations (Yi jing) qui est un livre de divination interprétant les 64 combinaisons possibles de six lignes pleines ou brisées.

- Le Mémorial des rites (Li ji) qui regroupe les règles relatives aux cérémonies et aux rites de l’époque chinoise antique.

- Les Annales des printemps et automnes (Chinqiu) qui est une chronique du pays de Lu, terre natale de Confucius, pour la période comprise entre –721 et –478.

Un principe confucéen a pour nom « li ». Que signifie t-il ? Voici ce qu’indique Confucius : « De tous les principes qui guident une nation, « li » est le plus grand. Sans lui, nous ne savons comment adorer convenablement les esprits de l’univers ; ni comment établir les devoirs réciproques qui existent entre le roi et ses ministres, le souverain et ses sujets, les aînés et les jeunes ; ni comment distinguer les différents degrés de parenté au sein de la famille. C’est pourquoi le sage a tant de considération pour ce principe. »

En conséquence, « li » est la règle qui doit guider l’homme de qualité (le junzi, que l’on peut aussi traduire par l’homme supérieur). Selon Confucius, tout doit être « réglé dans la famille, dans l’Etat et dans le monde. » Alors c’est seulement à ce moment que l’on réalisera le Dao, c’est-à-dire la voie du ciel.

Une autre idée du confucianisme doit être abordée, la notion de « ren » (jen). Alors que le « li » préconise la maîtrise le respect des règles et la réalisation du devoir, le « ren » s’intéresse à la nature humaine. Mencius veut mettre en avant l’existence de la bonté humaine. Selon ce disciple de Confucius, le perfectionnement individuel, fondé sur l’étude de la connaissance, guérira tous les maux de la société. Dans la Grande Etude, les confucianistes indiquent : « Les connaissances morales étant parvenues à leur dernier degré de perfection, les intentions sont ensuite rendues pures et sincères ; les intentions étant rendues pures et sincères, l’âme se pénètre ensuite de probité et de droiture ; l’âme étant pénétrée de probité et de droiture, la personne est ensuite corrigée et améliorée ; la personne étant corrigée et améliorée, la famille est ensuite bien dirigée ; la famille étant bien dirigée, le royaume est ensuite bien gouverné ; le royaume étant bien gouverné, le monde ensuite jouit de la paix et de la bonne harmonie. Depuis l’homme le plus élevé en dignité, jusqu’au plus humble et plus obscur, devoir égal pour tous : corriger et améliorer sa personne ; ou le perfectionnement de soi-même est la base fondamentale de tout progrès et de tout développement moral. »

Selon Confucius, si chacun faisait son devoir et respectait les connaissances morales, la société serait en paix et en harmonie. On peut remarquer la mise en valeur du travail, de la famille, et de la patrie dans l’idéal confucéen. Le confucianisme est donc d’abord une philosophie. 


Cependant, les empereurs de la dynastie Han reprirent ce concept confucéen car ils le percevaient comme un moyen de renforcer leur autorité. Sous le règne de l’empereur Wudi, déjà mentionné à propos du taoïsme, le confucianisme acquit un statut de culte d’Etat. Seuls ceux qui étaient versés dans les classiques du confucianisme étaient appelés à des charges officielles. De plus, tous ceux qui briguaient des fonctions au sein du gouvernement devaient se soumettre à des examens nationaux portant sur ces ouvrages. Les rites confucéens devinrent la religion de la maison royale. Ce changement contribua à rehausser l’image de Confucius au sein de la société chinoise. Par ailleurs, à l’instigation des empereurs Han, on prit l’habitude d’aller offrir des sacrifices sur sa tombe. Les Maîtres qui se succèderont revêtiront des titres honorifiques. A partir de 630 après Jésus Christ, Taizong, un empereur Tang, décréta qu’un temple d’Etat devait être érigé dans toutes les provinces et dans tous les cantons de l’Empire, et que des sacrifices devaient être régulièrement organisés. Confucius fut élevé au rang de dieu, chose qu’il n’avait sans doute pas imaginé de son vivant. Dès lors, le confucianisme devint une religion. Aujourd’hui et malgré le communisme, le confucianisme perdure. Depuis quelques décennies, l’Etat chinois assure la conservation du temple consacré à Confucius et à sa propriété familiale dans sa ville natale de Qufu. Le culte de Confucius est également présent à Singapour, à Taiwan, à Hong-Kong et dans d’autres régions. On y célèbre parfois son anniversaire. Le philosophe est donc devenu un modèle de vertu. Nous pouvons comparer le culte confucianiste au culte de l’être suprême que souhaitait instaurer Robespierre, lors de la Révolution Française.

Pourtant, cet intellectuel de l’Antiquité chinoise n’avait pas mis en avant des idées religieuses. Malgré tout, on peut se demander s’il était animé de sentiments religieux ? Premièrement, Confucius vénérait le ciel qu’il appelait Tian (T’ien). Il pensait qu’il gouvernait la totalité du cosmos et qu’il avait une influence directe sur les humains. Deuxièmement, il insistait souvent sur la pratique de rites et de cérémonies accompagnant un hommage au ciel et aux esprits des ancêtres. Cependant, il faut savoir faire la part des choses. Le sage de l’Antiquité n’a jamais voulu donner un caractère religieux à sa philosophie, et sa croyance n’a rien à voir avec sa théorie. Mais les notions ayant un caractère religieux ont certainement influencé la perception des Chinois vis-à-vis du confucianisme.

 

En analysant l’histoire du taoïsme et du confucianisme, on découvre deux systèmes de pensée reposant sur une certaine sagesse et un raisonnement. Alors que le confucianisme cherche à obtenir l’harmonie au sein de la société, le taoïsme s’en remet à la recherche de la paix en quittant la civilisation pour revenir à la nature. Cependant, ces deux philosophies ne tardèrent pas à devenir deux religions. A ces théories s’ajoutèrent diverses pratiques, par exemple : un culte réservé à des idoles ou à des ancêtres, la vénération du Ciel conçu comme un principe du cosmos, l’adoration d’esprit de la nature, … . De plus, on peut se demander si les pratiquants concevaient l’existence d’un architecte ou d’un quelconque créateur.

Partager cet article
Repost0

commentaires

L
Excellent article, merci. <br /> <br /> C'est assez rare de lire des personnes qui font correctement la distinction entre ces deux pensées Chinoises. <br /> <br /> Je souhaite apporter deux informations complémentaires :<br /> - Sur les livres majeurs du Confucianisme : le canon actuel est en grande partie du fait de Zhu Xi, qui a "popularisé" le néo-confucianisme. Le néo-confucianisme se distingue du Confucianisme antérieur par son apport ésotérique (via le bouddhisme et le taoïsme).<br /> - Le Confucianisme est le nom occidental que porte "l'école des lettrés" (Rujia). École spécialisée dans l'étude des textes classiques et prétendant former l'élite intellectuelle, politique et morale de l'empire Chinois.<br /> <br /> Encore merci pour ce très bon article !
Répondre
L
Simplement merci pour cette excellente introduction qui sonne experte honnête et assez précise pour mon ignorance !<br /> <br /> Bravo beau boulot !
Répondre
S
Taoisme: Ne pas confondre "wu wei" - non agir - avec la passivité.
Répondre
S
Merci pour l’article bien fait.
Répondre
J
Excellent travail, encore valable six ans après ! Attention toutefois : Le Livre des Mutations(ou encore Yi-Jing) est bien antérieur à Confucius, étant alors considéré comme l'un des premiers écrits de l'humanité ! Il ne réuni donc pas la pensée confucéenne et n'est pas non plus un ensemble des travaux menés par Confucius mais bien le premier recueil présentant la dualité élémentaire du monde : Confucius, lui, érudit, s'en est servi pour développer sa pensée, tout comme (et c'est bien plus le cas !) Lao-Tseu, initiateur du Taoïsme !
Répondre
V
Dans mon article, j'ai précisé que Confucius s'est référé aux "cinq classiques anciens", dont le Yi Jing. Mais effectivement, je manque de précision dans cette partie, je devrai signaler qu'ils sont antérieurs au savant.

Présentation

  • : Realite-Histoire
  • : Ce blog a avant tout pour objectif de faire découvrir au monde des faits historiques oubliés en gardant une certaine objectivité, ce qui est rare à notre époque. Je veux ainsi donner un regard différent sur l'histoire de l'humanité, se soustrayant des préjugés et des mythes.
  • Contact

Recherche

Archives