Inventeur, mathématicien ou
encore mécanicien, Héron d'Alexandrie est pourtant peu connu, même des historiens. Au XIXème siècle, c'est la stupéfaction quand des érudits découvrirent que ce mystérieux savant de
l'Antiquité avait fait fonctionner ... une machine à vapeur, plus de 1500 ans avant James Watt !
Qui est Héron d'Alexandrie ?
On lui attribue le tour à vis, la pompe à incendie, l'horloge hydraulique ou encore le polybolos (baliste à culasse mobile tirant des rafales de projectiles). On peut même ajouter le piston
ou la programmation. Cependant, même s'il est l'un des inventeurs les plus féconds du monde antique, il est pourtant un personnage peu connu. On ne connaît quasiment rien sur sa vie, ni
même l'époque exacte à laquelle il vécut. Les historiens situent son existence entre la fin du Ier siècle avant J.C et la fin du Ier siècle de notre ère. De plus, ils ont identifié une
dizaine d'écrivains portant le nom d'Héron à la même époque, ce qui n'arrange pas la recherche sur cet inventeur. Cependant, grâce aux recherches effectuées par Philippe Fleury, nous savons qu'il
est postérieur à l'architecte Vitruve, c'est-à-dire après -20 (Gilbert Argoud, "Héron d’Alexandrie et Vitruve", article
publié dans Sciences et vie intellectuelle à Alexandrie (Ier – IIIe siècle après J-C), Université de St-Etienne). D'après le mathématicien autrichien Otto Neugebauer, il fut contemporain de Columelle et de Pline l'Ancien, c'est-à-dire au milieu
du Ier siècle. Il se justifie en constatant que Héron avait évoqué une éclipse lunaire qui, par ses calculs, ne peut correspondre qu'à celle du 12 mars 62 à exactement 23 heures, donc durant le
règne de l'empereur Néron (Otto Naugebauer, Über eine Methode zur Distanzbestimmung
Alexandria-Rom bei Heron, 1938). Gilbert Argoud confirma cette hypothèse en citant Pline l'Ancien, car ce
dernier mentionne dans Histoire Naturelle (XVIII, 137) la vis de pressoir à pression directe de Héron comme d'une
invention récente (Gilbert Argoud, "Héron
d'Alexandrie, mathématicien et inventeur", article publié dans Sciences et vie intellectuelle à Alexandrie (Ier – IIIe siècle après J-C), Université de St-Etienne). En outre, d'autres arguments sont également développés de manière détaillée dans l'ouvrage collectif du Centre Jean Palerme Autour de la dioptre d'Héron d'Alexandrie, publié à l'Université de Saint-Etienne. Il faut savoir qu'en Europe
occidentale, on connaissait peu de choses sur le savant d'Alexandrie jusqu'à ce que l'on retrouve en 1896, à Constantinople, un de ses manuscrits appelé Les Métriques. Aujourd'hui, la majeure partie de ses recherches nous est parvenue, c'est-à-dire sept ouvrages qui mentionnent quelques-unes de
ses inventions. Ses écris sont précieux car il est très rare de retrouver des oeuvres portant sur les techniques de l'Antiquité. A l'intérieur de ses livres, certains traités ont traversé le
temps. En effet, le plus connu d'entre eux, Les Pneumatiques, fut transmit de civilisations en civilisations, et a été repris par les Byzantins ou
encore les Araméens. Mais ce sont surtout les Arabes qui recopièrent bon nombre de traités d'Héron, et les ont recopiés à plusieurs reprises. Nous pouvons citer par exemple
Les Mécaniques, dont la traduction arabe est présente dans la bibliothèque de Leyde. A notre connaissance, ils n'ont pas tenté de reconstituer ses
inventions, mais ont probablement été admiratifs envers des techniques qui les dépassaient. En parallèle, si les civilisations orientales du Moyen-Age semblaient attirées par ses traités,
les Occidentaux s'y intéressaient probablement moins, puisqu'au contraire des Arabes, on n'en trouve aucune traduction. Malgré tout, quelques historiens supposent que Léonard de Vinci a
été inspiré des traités d'Héron d'Alexandrie pour plusieurs de ses inventions. Mais encore une fois, personne ne peut l'affirmer.
L'éolipyle : la machine à vapeur de
l'Antiquité
Appelé ainsi par les Grecs,
l'éolipyle d'Heron fut reconstitué par le chercheur anglais John Landels. Pendant plusieurs années, Landels étudia les inventions antiques et publia une oeuvre consacré à ce domaine,
Engineering in the Ancient World, en 1978. L'éolipyle se constitue principalement d'une sphère contenant de l'eau et est équipée de deux tubes
diamétralement opposés. L'eau est chauffée jusqu'à l'apparition de vapeur qui s'échappe alors par les tubes, créant un couple de forces qui fait tourner la sphère à une vitesse d'environ 1500
tours par minute. Cependant, cet appareil n'est pas sans défaut. En effet, le développement de l'éolipyle est dérisoire et les pertes de chaleur sont importantes. Landels a calculé que pour
fonctionner de manière continuelle, la machine devrait consommer plusieurs centaines de kilos de bois par heure, et que le ramassage et le transport nécessiterait le travail de trois ou quatre
hommes ! Faute de charbon, de fonte ou encore de pièces essentielles telles que des joints ou des soupapes, les Grecs n'avaient donc aucune chance de dompter la vapeur. Ce n'est pas l'éolipyle
qui pouvait déclencher une révolution industrielle. Cependant, l'existence de cette machine à vapeur prouve que, contrairement à ce que nous apprennent la majorité de nos
historiens, James Watt n'était pas le premier à concevoir une machine à vapeur. Encore une fois, il serait temps de modifier nos livres d'histoires.
Une machine à vapeur est donc apparue en Antiquité, et c'est un ingénieur grec peu connu qui en fut l'inventeur. Pourquoi Héron d'Alexandrie était peu connu ? Sans doute qu'il était trop en
avance sur son temps pour que toutes ses inventions soient comprises par les savants de l'Antiquité. Ptolémée, mathématicien du IIème siècle, n'en parlait même pas dans ses ouvrages. Il n'y
a quasiment que le géomètre grec du IVème siècle Pappus qui le mentionna dans le livre VIII de sa Collection mathématique. L'ingéniosité de Héron
d'Alexandrie ne sera pas donc exploitée par la suite, et l'éolipyle fut abandonné. Il est vrai que cette machine était trop demandeuse en ressources pour pouvoir déclencher une révolution
industrielle, mais si cette invention avait été reprise pour être ensuite perfectionnée au fil des temps, l'humanité aurait peut-être fait un bon en avant considérable dans le progrès
scientifique.