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14 septembre 2008 7 14 /09 /septembre /2008 10:57

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Après l'Opération Torch, attendre la venue des Anglo-Américains en métropole

Le 19 novembre 1942, l'Armée d'Afrique du Nord créée par Pétain et préparée par Weygand (arrêté par la Gestapo le 12 novembre) puis Alphonse Juin, rentre dans la guerre en Tunisie face à la Wehrmacht. A ce moment, elle disposait de 225 000 hommes, dont 6 700 officiers grâce à un appel de réservistes clandestinement préparé. Parmi les Français d'origine européennes (pieds-noirs), c'est-à-dire environ 1 075 000 de personnes, près de 175 000 hommes et femmes furent mobilisés de 1943 à 1944, soit 16,4 % de sa population. Les troupes comprendront environ 400 000 hommes en été 1944. Parmi les soldats, il y avait plus de 100 000 Africains du Nord (Algériens, Marocains et Tunisiens), près de 70 000 Africains, 35 000 Corses et 20 000 Français évadés de France. De plus, environ 230 000 étaient musulmans. Un document du Comité français de Libération nationale (C.F.L.N) précise que l'Armée d'Afrique se composait de 23,2% de musulmans Algériens*. Nombreux sont les tombes des pieds-noirs, des maghrébins et des africains noirs dans les cimetières militaires de Tunisie, d’Italie et du Sud et de l’Est de la France, alors que tous leurs sacrifices sont loin d’être exaltés, lorsqu’on enseigne l’histoire aux jeunes générations depuis 1945.
De la Tunisie jusqu’à la victoire française de Médénine et la capitulation allemande du 12 mai 1943, les troupes françaises eurent un rôle primordial. C’est devant ces Français que le redoutable Afrikakorps capitula et qu'un chef de peloton de chars Somua, dissimulés à la commission d’Armistice, captura le 12 mai le général Von Arnim, commandant en chef des forces de l’Axe en Tunisie. Avant de débarquer en Provence et d'atteindre les rives du Rhin et du Danube en tête des forces Alliées, elle se couvrira de gloire en Italie, notamment à la suite des combats de Garigliano et de la prise de Rome et de Sienne. Le général Clark, commandant la Vème armée américaine, jugera le corps expéditionnaire français : "Plus vaillante unité combattante qui n'a jamais existé." et "C’est le corps expéditionnaire français qui, d’une manière fulgurante, nous avait ouvert les portes de la victoire." (Mark Clark, Les Alliés jouent et gagnent, Editions Berger-Levrault, 1952).
*Le film Indigènes a eu le mérite d’informer à l’opinion publique française le rôle primordial qu'a joué l’Armée d’Afrique, avec ses combattants africains, du 19 novembre 1942 au 9 mai 1945 pour concrétiser la revanche militaire contre l’armée allemande. Le 4 octobre 2006, après la sortie dans les salles de cinéma françaises du film, l'hebdomadaire Minute afficha sur sa couverture en gros caractères le titre suivant : "L’Armée d’Afrique, c’est Pétain". C’est en effet le maréchal Pétain qui avait fait reconstituer, en octobre 1940, cette armée par l'intermédiaire du général Weygand, nommé délégué général du gouvernement pour l’Afrique française.

Il faut savoir que dès l'armistice de juin 1940, l'ordre permanent fut donné de saborder les navires dont l'ennemi tenterait de s'emparer. Cet ordre est exécuté le 27 novembre 1942 avant l'aube, quand les VIIe et Xe Panzer pénètrent dans Toulon. 90 bâtiments jaugeant 225 000 tonnes, soit le tiers de la flotte de 1939, sombrent en quelques heures. Certaines personnes estimeront que ce drame aurait pu être évité, mais aucun ne peut contester la volonté du Maréchal d'empêcher l'Axe de s'emparer du matériel militaire français. Par ailleurs, en agissant ainsi, il respecte les Accords Pétain-Churchill de décembre 1940. Sur ce sujet, Pétain va se justifier devant la Commission d'Instruction de la Haute Cour en juin 1945 :
"Pour répondre à la question posée sur le sabordage de la flotte, à Toulon, le 27 novembre 1942, il importe de revenir en arrière. L'armistice laissait la flotte à peu près intacte, mais désarmée et mise en gardiennage. Elle demeurait notre propriété.

C'est pour parer à une violation des clauses de l'armistice, aussi bien par les Allemands que par les Anglais, et pour satisfaire à l'engagement pris vis-à-vis de ces derniers à Cangé, que furent données, dès l'armistice, et ne furent jamais abrogées, les consignes de sabordages. L'agression de Mers-el-Kébir, le 3 juillet 1940, permit alors d'obtenir des puissances de l'Axe la constitution d'une "force de haute mer". L'ordre de sabordage fut maintenu.
Après le débarquement en Afrique des forces anglo-saxonnes, les Allemands, le 11 novembre 1942, envahissaient la zone libre. Mon gouvernement réussit alors à élever autour de la flotte un ultime rempart en obtenant du haut commandement allemand que la défense du camp retranché de Toulon fût laissée à la marine française.
D'autre part, aux termes du traité secret que j'avais fait négocier avec M. Winston Churchill, il était stipulé que la flotte devait se saborder plutôt que de tomber entre les mains des Allemands ou des Italiens. Lorsque, le 27 novembre, une division cuirassée allemande pénétra dans le camp retranché de Toulon et chercha à s'emparer de notre flotte, l'amiral de Laborde donna l'ordre de sabordage, conformément à la consigne permanente, à l'engagement pris vis-à-vis des Anglais et au code de justice maritime. La flotte française n'était pas tombée aux mains des puissances de l'Axe.
 

Pourquoi n'ai-je point donné l'ordre à la flotte dès le 11 novembre de gagner l'Afrique ? L'ordre, pour des raisons techniques, n'était point exécutable et la flotte eût été vouée à la destruction ; donc, le départ eût amené les mêmes conséquences que le sabordage. En outre, cet ordre eût été le signal de la reprise des hostilités contre l'Allemagne, et eût exposé la France désarmée à de terribles représailles sans aucun bénéfice pour la cause alliée. Entre deux maux, le politique doit choisir le moindre.
Il m'a paru moins grave que la flotte se sabordât, conformément aux engagements, plutôt que de l'envoyer à sa perte et de déchaîner sur la France des violences sans précédent, notamment le retour en captivité des 700 000 prisonniers dont j'avais obtenu la libération, et la substitution au gouvernement français d'un "gauleiter". Ainsi, ai-je épargné les pire et aidé à la victoire commune, empêchant l'Allemagne d'augmenter son potentiel de guerre par la capture de notre flotte.
Je n'en considère pas moins le sabordage, inévitable, comme un sacrifice et comme un deuil national."
(Philippe Pétain, Actes et Ecrits, Flammarion, 1974, p. 582-583).

 

Après la perte de ses pouvoirs le 17 novembre 1942 (sur ce sujet, je vous invite à consuler l'article concernant le coup d'Etat de Laval http://realite-histoire.over-blog.com/article-24985330.html), le premier combat que livra le Maréchal concerne la tentative de reprendre Paul Reynaud et Georges Mandel aux mains des Allemands, ces derniers ayant enlevés les deux hommes alors que le Maréchal les avait emprisonné au fort du Portalet. Voici sa lettre de protestation datée du 24 novembre et adressée au ministre des Affaires Etrangères du Reich Ribbentrop, dans laquelle il demande en vain la libération de Mandel et de Reynaud :

"Monsieur l'Ambassadeur,

Les autorités allemandes d'occupation ont cru pouvoir s'emparer des personnes de MM Reynaud et Mandel et, après les avoir retirées du fort du Portalet où elles étaient régulièrement détenues, les ont transférées en zone occupée.

MM Reynaud et Mandel ont été condamnés dans une enceinte fortifiée par ma décision du 16 octobre 1941 que j'avais prise sur l'avis du Conseil de justice politique institué par le décret du 29 septembre 1941 pour l'application de l'acte constitutionnel n°7.

Cette condamnation a été motivée par des faits qui concernent exclusivement la politique française.

Ces deux hommes politiques français ne relèvent donc que de la justice française et seul le Gouvernement français a la qualité pour décider de leur détention.

La France seule a le droit d'en connaître, et la puissance occupante ne peut s'immiser dans ces questions sans commettre une grave infraction aux principes fondamentaux du droit des gens.

Je proteste solennellement contre cette mesure de force et demande au Gouvernement allemand de restituer sans délais MM Reynaud et Mandel. Il n'appartient qu'au Gouvernement français de prendre toutes mesures utiles pour s'assurer l'exécution de ma décision du 16 octobre 1941.

Veuillez agréer, monsieur l'Ambassadeur, l'expression de ma haute considération.

Signé : Ph. Pétain" (cette lettre fut signalée par Jacques Le Groignec dans Pétain et De Gaulle, Nouvelles Editions Latines, 1998, p. 295)

 

Au soir du 27 novembre 1942, Pétain ne dispose plus de l'Afrique du Nord ni de la Flotte de haute mer. Sa stratégie avait permis de contenir les Allemands pendant que les États-Unis intervinrent en force en Afrique du Nord. Plusieurs personnes pensèrent que le chef de l'Etat alla quitter son poste. Son secrétaire général rapporte son rejet d'une telle éventualité, qui avait été pourtant prévu par ses proches : "Pour moi, partir, c'est de beaucoup la voie la plus facile ; c'est celle qui me délivre du calvaire que je gravis. Eh bien, non ! Je ne puis abandonner les Français, je suis un paratonnerre pour les Français. L'histoire dira plus tard que je leur ai évité de graves choses, je pense encore leur en éviter. Je resterai, devrais-je en souffrir encore beaucoup plus." (Déposition de Jean Jardel – Procès du Maréchal, Journal Officiel du procès, p. 301). André Lavagne, chef de son cabinet civil qui connaissait sa personnalité, pensait que "le Maréchal, dominé par l'idée peut-être un peu trop simple et un peu trop militaire de ne pas "déserter", refuse ce qu'il assimile un abandon de poste." (Benoît Lavagne, Auprès du maréchal Pétain, tome II, p. 84 [il faisait mention au Mémoire d'André Lavagne pour la commission pour l'épuration du Conseil d'Etat, le 10 novembre 1944]).
Dans les voeux qu'il adresse aux Français, le 24 décembre 1942, Pétain confirme son souhait de rester en France, d'après la promesse qu'il avait faite avant de recevoir les pleins pouvoirs : "En juin 1940, je vous avais promis de rester parmi vous. J'ai tenu ma promesse et me voici toujours au poste que l'Assemblée Nationale m'a assigné, toujours prêt à servir. Mon honneur à moi est de rester à ce poste face au danger, sans armée, sans flotte, au milieu d'une population malheureuse." Par ailleurs, à la fin de ce même discours, il exprime la volonté d'une victoire des Alliés : "À l'heure où il semble que la terre manque sous vos pieds, levez la tête vers le ciel. Vous y trouverez assez d'étoiles pour ne plus douter de l'éternité de la lumière et pour placer où il convient vos espérances." Après cet enregistrement à la radio, il confie à la famille Ménétrel, avec qui il est proche : "J'espère que les Français comprendront l'allusion aux Américains. Je pense que c'est clair." (témoignage de Aline Ménétrel cité par Raymond Tournoux dans Pétain et de Gaulle, Nouvelles Editions Latines, 1964, p. 275, et dans Pétain et la France, 1980, p. 435-436). En ce qui concerne sa volonté de rester en métropole, vous pouvez constater ses motivations dans l'article 4 de Pétain et l'antisémitisme (http://realite-histoire.over-blog.com/article-24985330.html).
Par l'armistice, Pétain avait permis d'arrêter les Allemands et de protéger la plate-forme du Maghreb, d'où s'élancèrent les forces alliées en 1943, et qui débarquèrent en Corse et en Italie en septembre. L'historien allemand Elmar Krautkramer écrit : "Dans l'histoire de la seconde guerre mondiale, on a pas apprécié à sa juste valeur le rôle que la france avait joué entre les deux camps ennemis. Le combat mené par la France et la façon dont elle s'est relevée de sa défaite n'a pas commencé avec l'appel du 18 juin, mais tout a débuté, et peut-être avec plus d'efficacité, avec l'armistice de Rethondes." (Elmar Krautkramer, Vichy 1940-Alger 1942, Economica, 1999).
En Octobre 1943, il s’adresse aux commissaires généraux, les officiers commandant les troupes dissoutes en novembre 1942. Il s’intéressait au matériel militaire existant sur leur territoire, et s’ils maintenaient des contacts avec les troupes démobilisées « Voyez-vous, je crois au débarquement des Américains [en France] et, à ce moment là, il faudra bien que nous les aidions par les armes. » (Déposition du général Ruby - Procès du Maréchal, Journal Officiel du procès, p. 241).
Dans une lettre de Ribbentrop datant du 29 novembre 1943, le ministre nazi montre clairement son hostilité au chef de l'Etat Français, ainsi que des soupçons de tractations avec les Alliés : "L'Allemagne pouvait espérer, au moins depuis Montoire, qu'en réponse à la politique généreuse du Führer, vous consolideriez, monsieur le Maréchal, de plus en plus la situation en France après la guerre perdue et que vous rendriez toujours plus féconde la collaboration, tant de fois promise, avec l'Allemagne. Or, si l'on jette un regard sur les trois dernières années des rapports franco-allemands, on ne peut que constater que cet espoir n'a été réalisé que partiellement et que les mesures que vous avez prises, Monsieur le Maréchal, en votre qualité de chef de l'Etat français, n'ont eu malheureusement que trop souvent le résultat de rendre plus difficile la collaboration amicale qui était, sans aucun doute, sérieusement désirée par nos deux peupes et certainement par nos deux peuples et certainement poursuivie par le gouvernement français. Le Coup d'Etat anticonstitutionnel tenté le 13 décembre 1940, par lequel monsieur Laval devait être éliminé comme chef du gouvernement sur le reproche de la collaboration avec l'Allemagne et même sur l'inculpation d'avoir conspiré avec les services allemands contre vous, monsieur le Maréchal, afin de vous attirer dans un guet-apens à l'occasion du transfert de la dépouille mortelle du duc de Reichstadt à Paris et de vous destituer ; plus tard, la trahison de vos généraux et amiraux en Afrique du Nord et la participation indirecte à cette trahison de certaines personnalités les plus hauts placées de Vichy, la violation avérée de nombreuses dispositions militaires de la Convention d'armistice et, maintenant, la récente tentative d'une récente tentative de révision constitutionnelle, dirigée encore, en fin de compte, contre l'Allemagne et apparemment destinée, par la remise en activité de l'ancienne Assemblée nationale française, devenue entièrement illégale, à jeter les ponts en direction du Comité d'Alger et, par la suite, avec les Anglais et les Américains, tout cela caractérise les étapes d'un chemin qui s'éloigne, de plus en plus, de Montoire. [...] Pour toutes ces raisons, vous ne serez pas surpris, Monsieur le Maréchal, si le gouvernement du Reich a observé votre activité comme chef de l'Etat avec une réserve toujours croissante. Les difficultés constantes qui ont été opposées à la mise en oeuvre d'une politique de collaboration véritable avec l'Allemagne et qui, ainsi qu'il résulte de mes informations, ont, sans cesse, provoqué pendant les derniers mois de nouvelles crises intérieures, montrent clairement une prise de position dont les motifs et les buts ne laissent pus guère de doutes." (Marc Ferro, Pétain, Hachette, 2009, p. 506-510). Cela prouve donc que Pétain était davantage perçu comme un obstacle que comme un collaborateur pour les Allemands.
Le 9 février 1944, le préfet François Martin remet sa démission au Maréchal à cause du remaniement ministériel imposé par l’occupant. Ce dernier répondra : « Si c’est le devoir de votre conscience, vous faîtes bien de partir […] Vous, vous pouvez remettre vos fonctions entre mes mains. Moi, je suis dépositaire d’une autorité que je ne peux remettre à personne […] Je suis prisonnier des Allemands […] Il y a des choses que je ne peux pas accomplir, car ils m’emmèneraient en Allemagne […] et je serais privé de la possibilité […] de finir l’œuvre qui m’a été confiée. » (Déposition de François Martin - Procès du Maréchal, Journal Officiel du procès, p. 253).
Le 19 février 1944, le chef de la Milice Joseph Darnand fait un exposé général sur les maquis auprès de Pétain. Il évoque ceux qui existent à cette date et insiste sur le potentiel danger du principal d'entre eux, celui des Glières en Savoie. Contre l'attente des miliciens, le Maréchal déclare : "Il faudrait que je puisse aller voir ces jeunes gens. Ma carrière ne m'a pas préparé à ce genre de guerre mais je pourrais leur donner quelques conseils utiles ; ils ne peuvent rien faire de bon tant qu'ils restent groupés. Il suffira d'une division allemande pour les mettre en pièces. Il faut tâcher de les ramener sans leur faire de mal." Pierre Laval ajouta à Darnand : "N'oubliez pas que parmi ces maquisards, il y en a beaucoup qui sont des chasseurs alpins comme vous." (Marc Ferro, Pétain, Hachette, 2009, p. 535). Alors il fut décidé que le chef de la Milice envoie deux prêtres munis d'instructions, afin que le maquis se rende sans effusion de sang. En parallèle, aucun mal se seront fait à ces résistants. Malheureusement, cette mission n'aboutit pas. Les miliciens et les Allemands écrasèrent le maquis le 26 mars en fusillant une grande partie des survivants, contre l'avis de Pétain.
D'ailleurs, le maréchal Pétain fut sommé de s'expliquer sur sa vision de la résistance pendant son procès. Il a rédigé une petite note manuscrite qu'il a transmise à son juge d'instruction. Cette note a longtemps été cachée du public. Un fac-similé de cette note a été publié dans le journal Paris-Presse du 9 octobre 1964 :

Note sur la Résistance
1 - J'ai toujours résisté aux Allemands.
2 - Donc je ne pouvais être que favorable à la Résistance. La Résistance est le signe de la vitalité d'un peuple.
3 - En tant que chef de l'État je ne pouvais l'approuver publiquement en présence de l'occupation.
4 - J'ai toujours fait une distinction entre les résistants aux Allemands et ceux qui ont utilisé ce prétexte pour se livrer à des crimes de droit commun ; ce sont ceux-là seuls que j'ai qualifié de terroristes. Les Résistants ont eux-mêmes protesté contre les excès de ces derniers.
5 - J'ai désapprouvé comme l'a d'ailleurs fait le général de Gaulle les attentats individuels contre les membres de l'armée d'occupation. Je n'ai jamais cherché à avilir la Résistance, car j'étais moi-même un Résistant. Le Résistant de France dans la métropole.

 

Le dernier combat du Maréchal à Vichy : tenter de limiter les pertes civiles françaises innocentes

 

P-tain.jpgLe 17 juin 1944, alors que les Alliés viennent de débarquer en métropole, Martin du Gard reçoit le maréchal Pétain. Au cours d'une conversation, ce premier indiqua que le chef de l'Etat : "se met en colère : On me passait la faillite et débrouillez-vous. Puis il passa à de Gaulle : C'est un homme d'une ambition terrible ! Arrogant comme je n'en ai jamais rencontré, menteur, difficile à vivre, ayant toujours des histoires partout." Mais concernant les Américains, son appréciation est tout autre : "Il me redit son affection pour les Américains, et quand je lui demandais s'il comptait lâcher la barre : Je ne suis pas parti en novembre 1942, ce n'est pas aujourd'hui que je m'en irai. [...] Partir eût été lâche. Que serait-il devenu des Français ? C'est lui qui protégeait les réfugiés alsaciens, les Juifs, les communistes [A ne pas confondre avec les bolcheviques] ; s'il était parti, les S.S auraient éliminé tous les Juifs. Pour conclure, il exprima l'espoir que les réussites de la révolution nationale, la Charte du travail, la charte des paysans, survivraient. Le bateau penche, il ne faut pas qu'il sombre."  (Marc Ferro, Pétain, Hachette, 2009, p. 553). Evidemment, c'est un point de vue, mais beaucoup pensaient la même chose à cette époque.
Donc après le débarquement Alliés, Pétain tente toujours de préserver le territoire français et ses habitants au delà de la guerre. Dans une lettre adressée à Hitler le 9 juillet 1944, il demande que la population française soit épargnée, et ira même jusqu'à couvrir les actes de résistances françaises. En voici un extrait :

"La population française, dans son ensemble, fait preuve de calme et de dignité dans les tragiques circonstances actuelles. Elle a répondue à l'appel de sagesse que je lui ai adressé et elle a suivi les consignes de disciplines du chef de gouvernement.
Les Autorités militaires allemandes l'ont elles-mêmes reconnu, particulièrement dans les zones de combats.
Dans le centre de la France, par contre, il existe quelques zones de désordre. Ce désordre est causé par des bandes souvent formées de terroristes étrangers. Mais la population elle-même, si parfois elle est contrainte, sous l'emprise de la menace et de la terreur, à livrer des vivres à ces bandes armées, demeure le plus souvent à l'écart des actions dirigées contre les troupes d'occupation.
Dans de trop nombreuses occasions, ces dernières ont procédé à des représailles dont l'ampleur et parfois la rigueur ont dépassé la mesure des torts causés.
Ces représailles ont atteint une population innocente et irresponsable, qui est d'autant plus émue et révoltée de cette injustice qu'elle avait été habituée jusqu'à présent à voir les membres de l'armée allemande se conduire avec une grande correction.

[...]

Il y a eu, au cours des dernières semaines, beaucoup d'évènements de ce genre. Les plus graves ont été portés à la connaissances des autorités allemandes par le chef du gouvernement. Je vous adresse, en annexe, le récit de quelques-uns des plus marquants.
Il est de mon devoir de porter solennellement à votre connaissance ces procédés de représailles que je déplore."

Cette lettre est présente dans Actes et Ecrits (Flammarion, 1974, p. 625-626). De plus, il est important de signaler que le Maréchal avait joint cinq dossiers annexes dont les titres étaient révélateurs :

"I. - Représailles d'Ascq (2 avril 1944) - 120 innocents fusillés
II. - Incendie de Rouffignac (4 avril 1944)
III. - Représailles de Tulle (7 juin 1944) - 99 innocents pendus
IV. - Représailles de Marsoulas (10 juin 1944) - 37 innocents (dont 6 femmes et 14 enfants) fusillés
V. - Représailles et incendie d'Oradour-sur-Glane (10 juin 1944) - 800 innocents (dont de nombreux enfants réfugiés) massacrés ou brûlés vifs."

Chaque annexe comportait les différents crimes commis par l'armée allemande (Philippe Pétain, Actes et Ecrits, Flammarion, 1974, p. 626). Marc Ferro en dit davantage sur la réaction du Maréchal sur le massacre d'Oradour : "Les témoignages concordent pour attester que le massacre d'Oradour-sur-Glane mit le maréchal Pétain en colère sous l'effet d'une très grande douleur." (Marc Ferro, Pétain, Hachette, 2009, p. 563). L'historien précise qu'un rapport sur le sujet a été rédigé par le préfet régional de Limoges Freund-Valade, et a été conservé puis reproduit par Henri Noguères dans Histoire de la Résistance. Il ajoute qu'après avoir pris connaissance des faits, Pétain avait convoqué Renthe-Fink et déclara : "Vous brûlez les villages, vous massacrez les enfants, souillez les églises, vous couvrez votre pays de honte. [...] Vous êtes une nation de sauvages." (Marc Ferro, Pétain, Hachette, 2009, p. 563-565).
Enfin, on peut émettre une dernière preuve permettant de constater que le Chef d'Etat souhaitait prioritairement sauvegarder la nation. Alors qu'il n'a plus aucun moyen d'action, il demande à Hitler le 11 août 1944 nul autre que d'épargner Paris. Nous pouvons le remarquer dans cet extrait :

"L'agglomération parisienne risque d'être prochainement englobée dans la bataille. A l'approche de cet événement si grave, il est de mon devoir de m'adresser à Votre Excellence pour lui demander de décider des moyens propres à épargner à la population parisienne le sort qui la menace, en déclarant Paris ville ouverte.
[...]

Je connais les terribles épreuves qui se sont abattues sur les villes allemandes et sur leur courageuse population au cours de long mois. Mais quelque dures que soient les épreuves d'un bombardement aérien, elles ne sont pas comparables aux destructions et aux pertes d'existences qu'entraînerait une bataille livrée dans une grande métropole, dont il est matériellement impossible d'envisager l'évacuation.
Je ne puis enfin pas passer sous silence le souhait que je forme pour que soient épargnés les trésors d'art et les monuments historiques qui évoquent un long passé de labeur et de civilisation.
Tenant compte de considérations analogues, vous avez bien voulu donner les ordres nécessaires pour que des cités comme Rome et Florence, avec leurs trésors historiques, soient épargnées.
J'ai la ferme conviction que Votre Excellence consentira à prendre, en faveur de Paris, des mesures permettant d'en assurer la sauvegarde."

(Philippe Pétain, Actes et Ecrits, Flammarion, 1974, p. 624-625).



Je terminerai sur ce thème en rappelant que l'une des justifications de la condamnation du maréchal Pétain était, lors de son procès, l'acceptation de la défaite vis-à-vis de Allemagne, en plus de ceux d'intelligence avec l'ennemi et haute trahison. Cette condamnation est-elle justifiée ? A chacun sa conclusion ! Personne ne peut nier une collaboration entre Pétain et les forces de l'Axe, principalement les Allemands. Cependant, dire qu'il n'a jamais collaboré avec plusieurs Etats Alliés en parallèle, comprenant les Etats-Unis et le Canada, c'est ignorer des sources et nier certains faits. Il est vrai que les documents prouvant une collaboration par rapport à l'Allemagne sont  les plus importants, mais cela est logique du fait que l'Etat Français administrait la métropole sous occupation partielle puis totale. Et pour diverses raisons, des négociations fréquentes avec l'Occupant semblaient nécessaires. Pour ma part, je pense qu'un homme ayant collaboré avec l'Allemagne prouvait aussi collaborer avec les Alliés, et les données sont suffisantes pour le prouver. Pour Pétain, la survie de la France était la priorité absolue, quel que soit le déroulement de la guerre. Par conséquent, il fallait respecter les principes de l'armistice avec l'Allemagne quitte à collaborer avec l'Axe, lutter contre le communisme destructeur des nations, tout en essayant de garder l'amitié des Américains. De plus, il ne faut pas oublier qu'un chef d'Etat avait le devoir de prévoir ce qui allait se passer pour préparer son pays à l'avenir. Donc affirmer qu'il avait envisagé à la fois la victoire de l'Axe et des Alliés ne relève pas de l'hérésie, et les différentes sources receuillies prouvent ses hésitations constantes sur l'issue incertaine du conflit. Le double jeu de Philippe Pétain n'est donc pas totalement un mythe mais une réalité partielle, mais dans le sens où il a tenté de s'entendre avec plusieurs Etats quel que soit le camp, sauf ceux qui étaient communistes. Néanmoins, si on veut être au plus proche de la réalité, on devrait parler de multiples jeux. Charles de Gaulle n'avait-il pas déclaré lui-même à François Lehideux, ancien secrétaire d'Etat à l'équipement puis à la production industrielle entre 1941 et 1942, un soir de 1950 : "Le Maréchal était trop grand pour les Français, qui ne le méritaient pas" (Jean Raymond Tournoux, Pétain et la France, Plon, 1980, p. 543, et Jacques Le Groignec, Réplique aux diffamateurs de la France, Nouvelles Editions Latines, p. 99) ? Pour une question d'objectivité, je ne rejette aucune source. Par ailleurs, du fait d’une meilleure information de l’opinion publique française, s’impose la nécessité du transfert à Douaumont, auprès de ses soldats de Verdun, des cendres du maréchal Pétain. Tant que son testament ne sera pas respecté et que celui-ci ne sera pas réhabilité avec les honneurs dus à son rang, la réalité restera toujours cachée au profit du parti pris.

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commentaires

H
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