Avancée
sur son temps, la civilisation
Etrusque a connue son apogée dans la péninsule italienne aux VIème et Vème siècle avant J.C. Ce peuple connaissait déjà le fer au –VIIIème siècle, a été
responsable de la fondation de nombreuses villes, et influença grandement la culture romaine. Cependant, quelle est l’origine des Etrusques ? Que sait-on de ce peuple mystérieux ? Nous
sommes loin de pouvoir résoudre ces problématiques …
Mystère sur l’origine
L’origine
de ce peuple faisait déjà débat alors qu’il dominait encore la péninsule italienne. Plusieurs auteurs grecs vont s’opposer sur ce sujet :
-> Selon Hérodote (–484 à –420), surnommé « le père de l’histoire », les Etrusques seraient originaires de Lydie (côte ouest de l'actuelle Turquie) et aurait quitté leur terre
d’origine pour éviter la famine : « le fléau,
loin de cesser, s’aggravait encore : alors le roi répartit tout son peuple en deux groupes, et le sort désigna celui des deux qui resterait dans le pays, tandis que l’autre s’expatrierait.
Il demeura lui-même à la tête du groupe désigné pour rester, et donna pour chef aux émigrants son fils, qui s’appelait Tyrrhénos. Les Lydiens bannis par le sort descendirent à Smyrne, se firent
des vaisseaux qu’ils chargèrent de tous leurs biens, et partirent à la recherche d’une terre qui pût les nourrir ; ils longèrent bien des rivages jusqu’au jour où ils arrivèrent en Ombrie,
où ils fondèrent des villes et ils demeurent encore aujourd’hui. Mais ils quittèrent leur nom de Lydiens pour prendre celui du fils de leur roi, qui était à leur tête ; ils prirent, d’après
lui, le nom de Tyrrhéniens. »
(L’Enquête,
I, 94).
-> Denys
d’Halicarnasse (-60 à 8) affirme que les Étrusques étaient issues d’une population autochtone et ont évolué plus rapidement que leurs voisins grâce au contact des navigateurs
étrangers : « en fait, ceux-là ont chance d’approcher beaucoup plus de la vérité qui déclarent que le peuple étrusque n’a émigré de nulle part et a toujours été là. »
(Les
Antiquités romaines, I,
25). En reprenant les théories de Hellanicon de
Mytilène et de Hécatée de Milet (-VIèmesiècle), il tente d’expliquer que ce peuple descendrait de la communauté des Pélasges qui serait arrivée en Italie centrale vers la fin du
IIème millénaire avant J.C (Les
Antiquités romaines, I,
30,3). Le géographe
Strabon (-58 à 25) va reprendre cette théorie en affirmant que les Pélasges étaient des Tyrrhéniens qui auraient peuplé les îles de Lemnos et d’Imbros, proches des côtes d’Asie Mineure
(Géographie,
V,2,4). Enfin, le romain
Tite-Live (-59 à 17) mentionne l’existence de colonies étrusques dispersées de la plaine du Pô (Italie du Nord) jusqu’aux Alpes et leur attribue une parenté avec les Rhètes (Histoire
romaine, V,
33).
Aujourd’hui,
le débat n’est toujours pas clos.
Sur la base de ces théories antiques, des hypothèses plus contemporaines sont
apparues. Cependant, grâce à l’archéologie, la deuxième théorie semble la plus crédible. En effet, l’étruscologue italien Massimo Pallotino a observé que, sur des sites italiques, il y a eu une
continuité d’occupation entre ceux du peuple des Villanoviens et ceux des Etrusques. Par ailleurs, ce constat a été réalisé sur plusieurs endroits d’Italie, principalement en Etrurie, dans la
plaine du Pô et au sud de Salerne. On peut alors supposer que la culture villanovienne et la culture proto-étrusque ne font qu’une. De plus, une stèle découverte sur l’île de Lemnos, mentionnée
par Strabon,
représente une inscription écrite dans une langue proche de l’étrusque. Il est donc
probable que les Lemniens et les Etrusques aient une origine commune, mais que, une fois séparée à la fin du IIème millénaire, ils aient évolué chacun de leur côté. La théorie de Denys
d’Halicarnasse semble donc la bonne.
Malgré
tout, nous ne pouvons pas réfuter la théorie d’Hérodote. En effet, quelques textes égyptiens mentionnaient parfois les peuples de la mer, dont l’un d’entre eux était appelé Tr^s.w, qui
peuvent très bien faire référence aux Tyrrhenoi, c’est-à-dire les Tyrrhéniens, peuple marin évoqué par « le père de l’histoire ». Par ailleurs, il
semblerait que les rites funéraires des Etrusques étaient différentes que ceux des Villanoviens. Alors que ces derniers pratiquaient la crémation, ces premiers creusaient des tombes à fosses
allongées dans lesquels les cadavres étaient inhumés. Cela remet donc en cause la probabilité d’un lien commun entre Etrusques et Villanoviens. De plus, certains partisans de la théorie
d’Hérodote reprirent la stèle de l’île de Lemnos. En effet, ils évoquent la position géographique de Lemnos, qui se situe en face des côtes lydiennes. Une fois partie de Lydie, les Etrusques
auraient très bien pu s’arrêter quelques temps sur Lemnos, avant de venir s’installer en Italie.
Nous ne pouvons donc pas affirmer si Hérodote ou Denys d’Halicarnasse avaient raison ou tort. Les inscriptions étrusque peut en révéler davantage sur leurs origines. Cependant, leur écriture se
révèle pour le moment indéfrichable.
Une langue indéchiffrable
Aujourd'hui, les étruscologues arrivent à déchiffrer une partie de leur alphabet qui est assez proche de l'alphabet grec. Cependant, ils ne comprennent pas la structure des phrases, ni
le sens des mots et ni la grammaire. De plus, il n'existe aucun lien de parenté avec les langues de l'époque tels que l'égyptien, le grec, l'hébreu, l'araméen, le hittite, le babylonien,
l'assyrien ou encore le latin. Plusieurs méthodes ont été utilisées pour tenter de la décrypter. L'une est la méthode combinatoire, c'est-à-dire l'analyse de la langue en essayant de s'appuyer
sur la fréquence des mots ou sur la répétition des formules toutes faites. Cependant, cette méthode fut un échec. Une autre méthode consiste à faire une comparaison avec d'autres langues, ce qui
est impossible pour l'étrusque puisqu'elle ne ressemble à aucune autre. Pourtant, les chercheurs disposent de nombreux écrits, avec plus de 9 000 inscriptions funéraires, une dizaine d'écrits de
100 à 300 mots, et un grand texte retrouvé complètement retrouvé par hasard sur des bandelettes qui servaient à emmailloter une momie égyptienne (la raison n'est inconnu) !
Mais malgré cette abondance de sources écrites, les connaissances sont pauvres. Certains noms propres empruntés au grec (ex:Patrocle, Achille,
Agamemnon, ...) ont permis de reconstituer vaguement la phonétique. Par ailleurs, on connaît les six premiers chiffres grâce à des dés à jouer sur lesquels ils apparaissent en formes de lettres,
mais on ne connaît pas leur ordre. Quelques mots furent repérés par des étruscologues, environ une trentaine, qui concernent le calendrier, la nature, la famille ou encore le mobilier. Cependant,
cela demeure insuffisant pour comprendre entièrement un texte. Certains archéologues espèrent, un jour, retrouver un texte bilingue, étrusque-grec ou étrusque-latin, car ces langues se sont sans
aucun doute côtoyées, et cela durant plusieurs siècles (les Etrusques étant une civilisation commerciale).
Le puissant peuple des Etrusques est donc peu connu. Pourtant, en découvrir davantage serait capital pour deux raisons importantes. La première est tout simplement que cela permettrait d'en
savoir plus sur cette civilisation avancée. Mais la deuxième raison est encore plus importante. En effet, il ne faut pas oublier que durant leur ère d'existence, entre le VIIIème et le IVème
siècle, les Etrusques ont connu l'évolution des cités grecques tels que Athènes et Spartes, ainsi que l'émergence de Rome qui s'imposa comme la principale puissance de la péninsule
italienne. En apprendre plus sur leur sujet permettrait donc de connaître l'influence de cette civilisation vis-à-vis des Grecs et des Latins, et de découvrir les relations qu'elle entretenait
avec eux.